[FOCUS COLLECTIVITÉ] La REUT : Une solution pour la sobriété de l’usage de l’eau

[FOCUS COLLECTIVITÉ] La REUT : Une solution pour la sobriété de l’usage de l’eau

La REUT, ou REUSE en anglais, consiste en la récupération des eaux usées traitées, en sortie d’une station d’épuration des eaux usées (STEP) par exemple, pour la réinjecter dans le cycle local de l’eau plutôt que de la renvoyer dans le milieu naturel.

 

La REUT peut être utilisée pour de nombreux usages : l’irrigation agricole, l’arrosage d’espaces verts, le nettoyage des voiries, le lavage du matériel public mais également la recharge artificielle de nappes, la lutte contre les incendies ou la protection et la remise en état de milieux naturels. Les limites actuelles à la REUT sont causées par la faible acceptation des citoyens pour la réinjection de cette eau dans le système ainsi que la nécessité d'investir dans des traitements qui permettraient d'atteindre une qualité d'eau suffisante pour être potable. La France est particulièrement en retard sur le développement de la REUT par rapport aux autres pays européens (0,5 % de REUT) ; le plan Eau français* de mars 2023 prévoit 10% de REUT ce qui reste inférieur à l'Espagne par exemple (14 % de REUT en 2020**). 

Un projet de réutilisation des eaux issues des équipements municipaux

Fabienne Chardon, chargée de prévention et économie circulaire, Agglomération du Puy-en-Velay

La collectivité a initié un travail sur la réutilisation de l’eau sur l’initiative de l’élu aux Finances et Sport et de celui au Développement Durable. Cette étude a été réalisée en interne et a débuté par une phase de collecte d’informations sur chaque maillon de la chaîne de valeur interne à la collectivité : réglementation, besoins de la collectivité, filières liées à l’eau sous sa responsabilité et services concernés. Ce travail a été complété par des retours d’expérience d’autres collectivités (notamment l’agglomération Cannes Pays de Lérins et sa réutilisation des eaux en sortie de STEP pour l’arrosage des espaces verts et le nettoyage des avions).  La collectivité s’est d’abord intéressée à l’eau de stockage des pompiers (sous sa compétence) mais s’est finalement tournée vers la récupération des eaux de pluie. Les eaux du toit des serres du Puy-en-Velay sont récupérées dans une cuve pour l’arrosage des espaces verts. Suite à la sécheresse de l’été 2022, la collectivité a aussi décidé d’en faire une installation de stockage pour les urgences. D’autre part, il est dorénavant acté que les 2 500m3 d’eau vidangée de la piscine La Vague au Puy-en-Velay permettront, en 2024, le remplissage de la balayeuse qui nettoie la voirie. Trois cuves d’un total de 200m3 seront remplies automatiquement sous la piscine afin que la balayeuse puisse venir y remplir ses propres réservoirs en permanence. La communauté d’agglomération a d’abord pensé aux exutoires de cette eau à réutiliser avant de dimensionner les volumes de son stockage. La récupération de l’eau de pluie est déjà pratiquée sur la toiture de cette même piscine pour les besoins des sanitaires. Ces expériences ont permis au service Développement Durable d’intégrer dans sa pratique la mise en place de systèmes de récupération d’eau dès la conception et la construction de nouveaux bâtiments, ainsi que pour les réhabilitations. La communauté d’agglomération a aujourd’hui aussi réussi à impulser la dynamique de la REUT auprès de toutes ses communes adhérentes.

Biovallée (Drôme) : un projet de REUT à l’étude

Yannick Régnier, directeur de l’association Biovallée, responsable du projet de réutilisation des eaux usées traitées

Le projet a démarré en 2020. La première phase de ces études a conduit au choix de trois stations d'épuration (à Allex, Crest et Luc- en-Diois), dans le cadre d’une analyse multicritères, pour mener des projets expérimentaux. La deuxième phase d’étude a débuté en janvier 2023. Elle consiste à valider les scénarios techniques sur les 3 sites retenus, en concertation avec l’ensemble des acteurs. Le potentiel cumulé d’usage des eaux traitées représente jusqu’à 750 000 m3. La fin de cette étude est prévue à l’automne 2023. Jusqu’à récemment, l’eau avait un coût modéré. Avec l’explosion des prix de l’énergie, les charges ont largement augmenté pour les irrigants (en lien avec le pompage) et se sont répercutées sur le prix de l’eau. Les projets de REUT, amenant un avantage financier par la réutilisation, demandent cependant des investissements complémentaires en infrastructures. Le premier financeur de ce projet est l’Etat via le programme Territoires d’Innovation de France 2030. Quelques collectivités complètent ce financement public et des financeurs privés se sont impliqués. La Chambre d'Agriculture et le Syndicat d’irrigation drômois apportent un appui technique. Les enjeux principaux de cette expérimentation sont organisationnels, car de nombreux acteurs sont parties prenantes, ainsi que réglementaires et normatifs. En outre, à l’échelle du bassin versant de la Drôme, l'enjeu environnemental est important avec le besoin de maintenir un débit minimal de la rivière en été. Les acteurs de la vallée de la Drôme sont historiquement engagés dans des politiques et actions en faveur de l’agroécologie et de l’environnement. Le Syndicat de la rivière Drôme conduit actuellement une étude prospective pour l’adaptation du territoire au changement climatique. Elle servira de vision cadre en vue du renouvellement du schéma d’aménagement et de gestion de l’eau.

Une REUT agricole depuis 25 ans

Michel Saintemartine, ingénieur du Bureau d’études SOMIVAL Ingénierie (Clermont-Ferrand)

En 1996, les responsables de la STEP de Clermont-Ferrand, des agriculteurs et une sucrerie s’associent pour monter ce projet d’irrigation de terres agricoles de la plaine de la Limagne. Si la sucrerie a fermé en 2019, la REUT persiste : les eaux issues de la STEP sont transférées dans 16ha de lagunes permettant aux UV d’assainir l’eau pendant 12 jours. Quarante exploitations agricoles sont ainsi irriguées, pour un volume d’eau allant d’1 à 3 millions de m3 par an. Un comité de suivi, composé des acteurs précités accompagnés par l’Agence Régionale de Santé (ARS) et l’UFC Que choisir,
veille au bon fonctionnement de cette REUT. Il existe des demandes locales de déploiement de cette REUT. Cependant, il est aujourd’hui exclu de l’agrandir car les lagunes nécessaires à l’assainissement de l’eau sont saturées. La reproductibilité de ce type de projet est complexe en raison d’une réglementation très stricte obligeant à de lourds suivis quantitatifs gérés par les agriculteurs et qualitatifs menés par l’Association Syndicale Autorisée (ASA) Limagne Noire. Les réglementations européennes de 2020 et françaises de 2010 sont clairement des freins au déploiement de la REUT en raison de leur complexité de mise en œuvre.


* Voir la boite à outils qui figure en fin de bulletin

** Eaux usées traitées : pourquoi cette nouvelle ressource est à utiliser (futura-sciences.com)


Source : ECLAIRA - Le Bulletin N°26 / juin 2023

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Bulletin édité par le CIRIDD - soutenu par la Région Auvergne-Rhône-Alpes

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Auteur de la page

Arthur Bonglet

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