[REGARDS CROISÉS] Faciliter l’éco-conception et le réemploi des dispositifs médicaux

Dernière modification le 25/04/2024 - 11:47
[REGARDS CROISÉS] Faciliter l’éco-conception et le réemploi des dispositifs médicaux

TÉMOIGNAGE 1


Témoignage de :
Cécile Vaugelade,
Directrice des affaires technico-réglementaires ;

Anne-Laure Gavory, Chargée d’animation territoriale, développement économique et RSE, SNITEM.

Le Syndicat National de l'Industrie des Technologies Médicales (SNITEM), est une organisation professionnelle française qui représente les entreprises du secteur des technologies médicales. Fondé en 1986, le SNITEM regroupe des entreprises spécialisées dans la conception, la fabrication et la distribution de dispositifs médicaux, d'équipements et de technologies liés à la santé.

En quoi la règlementation est un frein dans l’éco-conception et le réemploi du dispositif médical ?
C.V. et A-L.G. : La prise en compte du développement durable ne peut que s’intégrer dans le cadre règlementaire des produits de santé et doit donc toujours respecter le rapport bénéfice médical/risque (ie. Ne pas dégrader la performance ou augmenter le risque encouru par le patient). Il ne faut pas oublier non plus que le produit de santé n’est pas un bien de consommation comme les autres, dépendant du choix du patient, mais soumis à une prescription médicale ou utilisé dans le cadre d’un parcours de soins.

Quelles sont les actions en cours sur le réemploi des DM ?
C.V. et A-L.G. :
La réutilisation des DM à usage unique nécessite d’une part le nettoyage et la stérilisation du dispositif ainsi que la validation de tests de fonctionnalité pour s’assurer que le produit est toujours conforme. Une expérimentation est dorénavant prévue sur deux ans pour certains DM, mais dont la liste n’est pas encore connue et sur un nombre limité d’établissements hospitaliers. 
Plusieurs questions se posent : Comment informer le patient lorsqu’on utilise un produit à usage unique retraité pour le soin ? Qui porte la responsabilité en cas de problème avec le produit retraité ? Est-ce que la réutilisation est réellement bénéfique d’un point de vue environnemental et financier ? Les DM réutilisables (comme les scanners, les fauteuils roulants, etc.) sont déjà utilisés par plusieurs patients lors de leur première vie et une vente de seconde main est mise en place pour les équipements volumineux entre les hôpitaux et les cabinets libéraux. Certains DM à usage individuel peuvent être remis en bon état d’usage. Un article de loi récent le conditionne à une homologation des centres qui réaliseront cette remise en bon état d’usage. Les premiers produits envisagés sont par exemple les fauteuils roulants, les montures de lunettes ou les prothèses auditives.

Quels sont les freins et leviers à la transition écologique des entreprises du DM ?
C.V. et A-L.G. :
Une harmonisation à l’échelle européenne est nécessaire. Il ne faut pas que chaque pays parte dans son sens en termes de développement durable et que les entreprises se retrouvent devant des injonctions contradictoires. D’autre part, la modification d’un DM entraîne systématiquement une nouvelle demande de certification et de contrôle par un organisme notifié. La fluidification et la simplification du parcours règlementaire permettraient de faciliter l’évolution des DM vers le développement durable. De plus, il faut que les acheteurs publics, prennent plus en compte les critères environnementaux dans leurs appels d’offres et appels à projets. Enfin, il y a encore des freins techniques à lever. Les fabricants ont besoin d’avoir plus d’alternatives écologiques
à disposition. Il serait bienvenu de mutualiser les recherches à l’échelle nationale voire européenne pour éviter l’innovation uniquement locale et permettre aux petites entreprises qui n’ont pas les ressources d’en profiter.

TÉMOIGNAGE 2


Témoignage de :
Olivier Toma,
Fondateur de Primum Non Nocere, agence de coaching RSE, développement durable et santé environnementale.

Olivier Toma, ancien dirigeant d’établissement de santé, s’intéresse depuis plus de 20 ans aux questions du développement durable dans ces établissements de santé. Il fait le constat, depuis 1998, d’un manque patent d’outils et d’accompagnement sur ce sujet. Cofondateur en 2006 du C2DS (comité pour le développement durable en santé) qui regroupe plus de 850 établissements sanitaires et médico- sociaux et fait référence au niveau européen, il exerce aujourd’hui une activité de conseil et accompagne des établissements, des organismes publics et des entreprises sur la mise en place de normes environnementales (ISO 14001) et de solutions écoresponsables.

Aujourd’hui, quels sont les freins principaux aux changements du secteur du DM ?
O.T. :
En France, il y a aujourd’hui une systématisation des dispositifs à usage unique qui nous inscrit dans une dynamique du tout jetable. Une réflexion pourrait être mise en place au cas par cas, du « sur- mesure », pour déterminer la nécessité ou non d’un usage unique. Il s’agirait alors de cibler le risque sanitaire pour mieux l’évaluer et maintenir l’usage unique en cas de risque avéré pour le patient ou le personnel soignant. Le modèle économique actuel représente aussi un frein majeur à la mise en place de démarches d’économie circulaire, qu’il s’agisse d’éco-conception ou de réemploi. En effet, les acteurs qui prennent part à ces enjeux ont des appétences particulières ou un intérêt spécifique pour s’engager dans cette voie-là. Pour autant, il est difficile pour des établissements de santé de s’orienter vers des produits éco-conçus lorsque ces derniers sont plus chers que les produits importés et à « bas coût », ce qui est notamment le cas des dispositifs à usage unique. Le modèle économique de ces structures rend difficile l’investissement, à long terme, dans ces dispositifs plus vertueux. De ce fait, les industriels ne peuvent investir dans le développement de produits éco-conçus et biosourcés si leur offre ne s’intègre pas au marché et ne trouve pas d’échos auprès des établissements de santé.

Et quels sont les leviers principaux qui peuvent être actionnés pour accélérer la démarche ?
O.T. :
Ce qui semble essentiel aujourd’hui, c’est une politique qui porte une vision globale et à long terme du secteur de la santé. Les politiques à court terme ne permettent pas de transformer le secteur vers davantage de circularité et de durabilité. Pour ce faire, quelques leviers semblent pertinents comme une politique incitative (et non punitive) pour valoriser l’acteur qui fait l’effort de repenser sa stratégie par l’éco-conception, le tri, la valorisation des déchets, etc. Cela pourrait passer concrètement par la réduction de la TVA sur ces produits plus vertueux. Une autre clef serait l’analyse du cycle de vie des produits de santé afin de réintroduire la question du sens mais plus encore de la pertinence. Par exemple, le réemploi fait sens s’il s'intègre dans son territoire et qu’il n’implique pas le transport à l’étranger dans un système à grande échelle, induisant par ailleurs des externalités négatives. Il s’agit, grâce à l’économie circulaire, de repenser la dimension territoriale de la valorisation des gisements du secteur de la santé. Ainsi, de nombreuses solutions sont possibles au sein de l’écosystème des établissements de santé et de la santé en général. Cependant, elles nécessitent une vision de fond et un pilotage stratégique sur le long terme en lien avec la connaissance du terrain et le contexte local. Par exemple, le recyclage et le réemploi sont liés à des partenaires locaux et à des stratégies de coopération territoriale. Une vision structurante et continue est alors nécessaire pour investir dans des projets de la sorte mais également pour mettre en place des changements de pratiques et d’usages.


Source : ECLAIRA - Le Bulletin N°28 / avril 2024

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Arthur Bonglet

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