[REGARDS CROISÉS] Quelles actions pour une meilleure coopération de la filière textile ?

[REGARDS CROISÉS] Quelles actions pour une meilleure coopération de la filière textile ?

Témoignage de Frédérique Gérardin, déléguée permanente au sein du Comité Stratégique de Filière (CSF) Mode & Luxe.

Dans le contexte actuel de crise économique, en quoi la coopération entre acteurs de la filière textile française est-elle cruciale pour son évolution vers la transition écologique et la mode durable ?

F.G. : La coopération entre acteurs de la filière textile française est cruciale car ces sujets sont extrêmement complexes à traiter, notamment à cause de l’éclatement de la chaine de valeurs à l’échelle du globe. Aucun des acteurs de la filière pris individuellement ne peut prétendre à apporter seul une solution à ces problématiques hautement interconnectées entre elles, ou calculer les coûts d’impacts globaux qui dépendent de très nombreux facteurs (coûts énergétiques de production, utilisation de matières premières, extraction ou culture, transports, confection, emballages, etc.). C’est à travers la mise en commun de retours d’expériences, d’études et de mesures, qu’il est possible de co-construire des solutions spécifiques aux nombreuses problématiques auxquelles fait face la filière textile et d’adapter ses modes de production, notamment par l’écoconception. Par ailleurs, la coopération des acteurs de la filière textile permet de consolider et déployer des budgets d’accompagnement significatifs, nécessaires pour tester et porter des actions collectives de grande envergure.

« C’est à travers la mise en commun de retours d’expériences, d’études et de mesures, qu’il est possible de co-construire des solutions »

 

Quels sont les verrous au dynamisme coopératif dans la filière textile française ?

F.G. : Le principal verrou, qui est également une de ses richesses, provient de l’hétérogénéité de la filière. En effet, le CSF n’intervient que lorsque l’ensemble des partenaires est unanimement d’accord. Or selon les sujets, le consensus n’est pas toujours possible. Cela est valable sur tous les aspects, y compris parfois politiques.

Comment le CSF peut-il favoriser davantage la coopération interfilière ?

F.G. : Le CSF entend jouer son rôle d'agrégateur et de facilitateur. Le Conseil National de l’Industrie (CNI) œuvre à cette coopération, notamment via l’organisation plusieurs fois par an de réunions inter-CSF, afin de faciliter le transfert et la mise en commun des connaissances acquises, des problématiques et solutions innovantes mises en œuvre, ainsi que par des retours d’expériences qui peuvent amener à l’adaptation de solutions existantes, d’une filière vers une autre.  Le prochain CNI, prévu à l’automne 2022 et dont le thème principal sera la planification écologique, pourrait d’ailleurs faire l’annonce de plusieurs groupes de travail communs entre CSF, notamment, avec le CSF Transformation et Valorisation des Déchets.

Quels sont les axes travaillés actuellement au sein du CSF pour le développement de la filière textile française ?

F.G. : Plusieurs axes sont actuellement travaillés, ils devraient être précisés dans le cadre du prochain contrat de filière prévue en début d’année 2023 :

  • La formation et l’attractivité des métiers afin que celle-ci soit adéquation avec les besoins de compétences attendues par les industriels dans les années à venir.
  • La responsabilité sociétale des entreprises, notamment sur la réglementation européenne.
  • La mise en place d’accélérateurs avec la BPI.
  • La numérisation la chaîne de valeur (de la production jusqu’au consommateur).

Quels sont les futurs enjeux de la filière textile française ?

F.G. : L’enjeu à court et moyen terme réside dans la maitrise de l’impact environnemental des produits et des techniques utilisés à l’échelle nationale, européenne et internationale. Cela passe par l’écoconception, de meilleures utilisations de ressources ainsi que la mise en place de solutions innovantes bien maitrisées et soutenables par tous (notamment PME).  Cela passe aussi par un recyclage (en boucle ouverte ou fermée) performant des déchets textiles.

« L’enjeu à court et moyen terme réside dans la maitrise de l’impact environnemental des produits et des techniques utilisés »

Témoignage de Anne-Cécile Caschera – Chef de projet chez UNITEX AuRA

Dans le contexte actuel de crise économique, en quoi la coopération entre acteurs de la filière textile est-elle cruciale pour son évolution vers la transition écologique et la mode durable ?

A-C.C. : Cette coopération est essentielle. C’est même l’une des principales conditions de réussite de la transition environnementale de la filière textile française. Le challenge est tel qu’aucun acteur ne réussira tout seul.  Cependant, ce n’est pas le seul levier nécessaire à activer. L’innovation et l’investissement surtout doivent être également mobilisés afin de soutenir cette transition écologique. En effet, beaucoup d’initiatives de coopération existent, comme, par exemple, Renaissance textile* et FIREX** en région Auvergne-Rhône-Alpes, qui nécessitent aujourd’hui d’importants soutiens à l’investissement. Les besoins sont d’ailleurs les mêmes pour les acteurs du recyclage qui automatisent de plus en plus leurs process pour plus d’efficacité. Le potentiel de circularité est aujourd’hui énorme mais il existe encore des freins techniques et des contraintes à dépasser.

« Le challenge est tel qu’aucun acteur ne réussira tout seul. »

Quels sont les verrous actuels au dynamisme coopératif dans la filière textile ?  

A-C.C. : La filière textile est essentiellement composée de PME et TPE qui ne disposent pas toujours des ressources nécessaires pour travailler en mode collaboratif. Grâce aux outils de la profession (organisation professionnelle, pôle de compétitivité, centre technique industriel, ...), les acteurs participent de plus en plus à des projets collaboratifs innovants en lien avec les écoles, les universités et les centres de recherche.

Par ailleurs, on constate que la récente hausse des coûts de l’énergie (gaz et électricité), ainsi que les épisodes de sècheresse que nous avons vécus cet été, impactent très directement l’activité industrielle des entreprises et obligent celles-ci à trouver de nouvelles solutions d’avenir.

Quelles seraient les solutions et/ou les outils à mettre en place pour lever ces verrous et accroître la coopération entre acteurs de la filière selon vous ?

A-C.C. : L’une des missions d’UNITEX est la mise en lien des acteurs, par exemple, avec des évènements comme « Demain le textile » dédié à l’économie circulaire ou « Textival » qui est maintenant devenue une convention d’affaires nationale. Unitex s’implique également dans des actions concrètes pour valoriser les savoir-faire français, encourager le circuit-court et favoriser une production textile durable avec le déploiement de label comme « France terre textile » et « European Textile Identity Card ». Tout cela est possible grâce à la réactivité et à l’agilité d’Unitex qui est au contact permanent des entreprises textiles d’Auvergne Rhône-Alpes.

« Valoriser les savoir-faire français, encourager le circuit-court et favoriser le déploiement de label »

Comment Unitex peut favoriser ou améliorer davantage cette coopération interfilière ? 

A-C.C. : La filière a d’ores et déjà intégrée les solutions technologiques numériques de l’intelligence artificielle et de la blockchain grâce à la start-up Textilia, hébergée chez Unitex, qui fournit des solutions numériques aux acteurs de la filière qui souhaitent protéger leurs créations contre les contrefaçons en s’appuyant sur une communauté d’internautes.

Par ailleurs, dans le cadre du MEDEF et de FRANCE INDUSTRIE dont elle fait partie, UNITEX noue de nombreux contacts avec ses homologues des autres branches (plasturgie, chimie, métallurgie...). Par exemple, dans le cadre de PERFECT’R, UNITEX interroge également les acteurs de la plasturgie et de la chimie sur les besoins de la filière recyclage textile.

D’autre part, l’UNION DES INDUSTRIES TEXTILES vient de mettre en place une task-force nationale avec les pôles de compétitivité TECHTERA, EURAMATERIALS et l’IFTH qui, face à la crise énergétique et au dérèglement climatique, sera chargée d’élaborer un plan d'actions de rupture en associant les filières transverses qui auraient la capacité à répondre à ce grand chantier.


https://renaissance-textile.fr/

** https://www.eclaira.org/articles/h/projet-firex-une-avancee-majeure-vers-le-recyclage-des-textiles-a-l-echelle-industrielle.html


Site de UNITEX AuRA


Source : ECLAIRA - Le Bulletin N°24 / Décembre 2022

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