[FOCUS RECYCLAGE] La coopération entre filière comme solution aux enjeux environnementaux

[FOCUS RECYCLAGE] La coopération entre filière comme solution aux enjeux environnementaux

Le projet RESOL étudie le recyclage des composites textiles PVC, qui sont des matériaux fait de plusieurs matières mélangées et utilisées pour faire des vêtements techniques notamment. Le projet est porté par la société POLYLOOP et associe la société CHOMARAT, fabricant de textiles enduits, ainsi que deux laboratoires académiques de l’Université Claude Bernard Lyon-1 : l’Institut des Sciences Analytiques (ISA) et le Laboratoire d'Automatique, de Génie des Procédés et de Génie Pharmaceutique (LAGEPP).

Entretien avec Gabriel Faysse, co-fondateur Polyloop.

Polyloop utilise un procédé chimique au service d’acteurs de la filière textile. La coopération interfilière est-elle la solution aux enjeux environnementaux de la filière textile ?

Dans le cas particulier du recyclage chimique, cela n’est vrai que dans certains cas. Prenons l’exemple des textiles techniques : ceux-ci sont composés de plusieurs couches de textiles entremêlées les unes aux autres, chacune ayant des propriétés distinctes (étanchéité, antifeu, isolation, etc.). Le broyage mécanique de ce type de matériau résulte en une poudre aux propriétés particulières constituée d’un amas de polymères divers. Lorsqu’on incorpore cette poudre dans de la résine plastique vierge, on obtient une toute nouvelle matière n’ayant pas les propriétés du plastique originel. Le recyclage chimique, et donc la coopération entre acteurs de la filière chimie et la filière textile, devient alors appropriée pour résoudre cette problématique car cette technologie est capable de séparer les différentes matières d’un matériau mélangé.

Quels sont les verrous et les solutions correspondantes associés au passage à l'échelle industrielle de votre procédé ? Ceux-ci sont-ils liés aux autres acteurs de la filière textile ?

Le verrou principal du changement d’échelle est lié à l’obtention d’une granulométrie optimale du rPVC permettant sa réutilisation par enduction* plastisol** tout en s’abstenant de l’étape actuelle de cryobroyage***. En effet, les résultats actuels nécessitent de faire intervenir deux acteurs différents pour effectuer le recyclage et le cryobroyage. L’objectif est de passer à un seul acteur dans lequel le plasturgiste devient ainsi recycleur. La chaine de valeurs de la plasturgie est aujourd’hui éclatée entre chimistes producteurs, transformateurs, confectionneurs utilisateurs, et en bout de chaine, les recycleurs. La proposition de Polyloop, nécessaire à une filière plus éco responsable, est d’intégrer le volet recyclage au sein du maillon « transformateur plasturgiste » de la chaine de valeurs, ceci en invitant les acteurs en aval de la chaine de valeurs à faire remonter le long de la chaîne les matières à recycler ; c’est une boucle de circularité à petite échelle mais à grande efficacité qui nécessite que les acteurs de la filière textile évoluent vers de nouvelles compétences.  

« La proposition de Polyloop est d’intégrer le volet recyclage au sein du maillon « transformateur plasturgiste » de la chaine de valeur »

Le procédé RESOL peut-il être appliqué à d'autres matières textiles que le PVC ?

Oui, les textiles enduits plastiques fabriqués par notre partenaire industriel ne sont pas les seules matières éligibles. Toute matière enduite avec un procédé plastisol est éligible à la réutilisation de matières recyclées. De nombreux secteurs sont concernés comme la logistique (bande de convoyeuses), le transport (selleries, revêtement de sol), le bâtiment (revêtements de sol et toitures), le sport, etc. Au total, ce sont près d’une quarantaine de secteurs qui peuvent être adressés par ce procédé.

Quels sont/ seront les impacts (environnementaux, économiques, etc.) de votre projet au sein de la filière textile ?

Le projet RESOL permettra :

  • D’offrir une solution de recyclage efficace à des déchets jusqu’alors non recyclables ou faiblement valorisés, destinés à l’enfouissement de par leur teneur en chlore rendant quasi impossible la valorisation énergétique.
  • De réaliser une économie de matière première grâce à un pourcentage d’intégration du r-PVC en grande proportion (plus de 50%) dans une gamme de produit.
  • De s’affranchir partiellement de la problématique du sourcing (variations des prix, disponibilités faibles, etc.) en  recyclant les propres matières des enducteurs.
  • De revaloriser les renforts (fibres) à différents niveaux, nobles en refabriquant un fil texturé, ou moins noble en boucle ouverte pour faire du rembourrage ou bien devenir une source de PET pour un autre grade bouteille par exemple et en dernier lieu un combustible solide de récupération pour une valorisation énergétique.

La recyclabilité d'un produit textile est fortement dépendante de la manière dont celui-ci est conçu. D'après vous, est-il possible d'améliorer la collaboration entre recycleurs et producteurs textile dans la conception de leurs produits afin d'en améliorer la recyclabilité ?

En effet, le sujet de la fin de vie doit être au cœur des préoccupations de celles et ceux qui conçoivent les produits textiles d'origine. Une solution résiderait dans l’amélioration des discussions entre les acteurs de la filière (designers, recycleurs, chimistes, etc.) dès la conception du produit en vue de sa fin de vie. Qui plus est, les nouvelles exigences européennes du Pacte Vert pour l’Europe, ainsi que la règlementation française entrant progressivement en rigueur, imposent dorénavant aux metteurs sur le marché de matériaux d’intégrer, dès la conception, la notion de fin de vie de leurs produits.

L'efficience du recyclage des textiles est-elle au monomatière ? Pourquoi ?

A titre personnel, je ne crois pas au monomatière dans le cas de textiles techniques de par les contraintes techniques qui reposent sur ces matériaux en termes d'exigence de performance thermique, mécanique, électrique, etc. La nature composite est selon moi difficilement contournable dans ces cas précis. Dans le cas des textiles de composites comportant de la matière recyclée, l'arrangement de couches multi-matières dépend de la qualité de la matière recyclée utilisée. Généralement, est placée au centre une couche de matière recyclée avec par-dessus une couche de matière vierge car la matière recyclée est malheureusement encore considérée comme étant de seconde qualité, or son grade de pureté et sa qualité n'ont rien à envier à ceux de la matière vierge. C'est le cas de la matière recyclée issue du procédé Polyloop.

« le sujet de la fin de vie doit être au cœur des préoccupations de ceux qui conçoivent les produits textiles »

 

 

 

 

 


* L’enduction est un traitement de surface qui consiste à appliquer un revêtement généralement liquide sur un support.

** Un plastisol est une pâte obtenue par dispersion colloïdale d'une résine synthétique poudreuse dans un plastifiant liquide.

*** Procédé qui consiste à refroidir à l’aide d’azote liquide un matériau afin de le rendre friable et donc plus facile à broyer.


Crédit photo : Pixabay, Polyloop


Source : ECLAIRA - Le Bulletin N°24 / Décembre 2022

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Auteur de la page

Arthur Bonglet

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