EIT, EFC, Eco-conception : trois approches complémentaires

EIT, EFC, Eco-conception : trois approches complémentaires

Ecologie industrielle et territoriale (EIT), Economie de la fonctionnalité et de la coopération (EFC) et Eco-conception : trois approches complémentaires au service d’un renouveau des modèles économiques.

Parmi les 7 « piliers » de l’économie circulaire proposés par la définition nationale (ADEME, lois TECV de 2015 et AGEC de 2020), 3 sont directement liés au business model des entreprises. EIT, écoconception et économie de la fonctionnalité constituent des solutions concrètes de transition écologique proposées aux acteurs économiques. S’il s’agit aujourd’hui de disciplines à part entière, ayant chacune leurs experts et leurs réseaux, elles ont pourtant de nombreux points communs et complémentarités. Cet article revient sur une présentation faite à plusieurs voix lors d’un webinaire en avril 2022, réalisé dans le cadre du Réseau régional "EIT" de l'Occitanie (Syn’Occ).

L’ÉCOLOGIE INDUSTRIELLE ET TERRITORIALE (EIT)

L’EIT vise à optimiser les échanges de flux à l’échelle d’un territoire, grâce à une démarche collaborative entre acteurs économiques, que ce soient des producteurs (industries, agriculteurs…), des institutions (collectivités, hôpitaux, écoles…) ou des activités de services et de logistique. Elle s’inspire des symbioses naturellement existantes dans les écosystèmes. La mise en place de synergies de substitution permet de réduire la consommation de matières, quand les effluents et les déchets des uns deviennent les matières premières des autres (énergie, eau, déchets, etc.). Par exemple, l’entreprise Cellulopack en Occitanie, qui réalise des emballages biodégradables et compostables, à partir de fibres de cellulose moulée, s’est installée à côté d’un industriel qui produisait des chutes de carton comme déchets. Cela lui a garanti un approvisionnement ultra local.  L’autre action d’importance en EIT est la mutualisation des ressources, équipements, services, transports, etc. , qui permettent en général de belles économies d’échelle. Enfin, les coopérations d’EIT peuvent déboucher sur la création de nouvelles activités innovantes (produits ou services fonctionnant en circuit court pour et avec les acteurs du territoire, par exemple un méthaniseur mutualisé).

L’ÉCONOMIE DE FONCTIONALITÉ ET DE COOPERATION (EFC)

Il s’agit d’un modèle économique humaniste, durable, créateur d’emplois et de lien social dans les territoires, qui permet de repenser l’organisation d’une entreprise, et d’agir différemment. Son but est de transformer les métiers au sein de l’entreprise, pour plus de sens dans le travail et d’« amener des entreprises et les territoires à des relations économiques enrichissantes pour les êtres humains et compatibles avec la biosphère » (Eclaira). En termes de méthode, il s’agit dans un premier temps de s’interroger sur le « pourquoi » - la raison d’être de l’entreprise et ce qu’elle apporte (ou souhaite apporter) à la société. Ensuite l’analyse et la co-construction (en interne mais aussi avec les parties-prenantes, qui peuvent être prestataires, fournisseurs, usagers ou clients !) permettent de réaliser un diagnostic des pratiques et des problématiques, puis d’imaginer collectivement des solutions. Le changement qui s’opère vise en général à sortir d’une logique de production ou de vente au volume, pour viser plus de qualité et d’impact positif et durable. En questionnant l’utilité de ce que l’entreprise propose à ses clients (les fonctions, les besoins auxquelles elle répond), on réoriente des éléments du modèle économique. Cela peut passer par une offre de location au lieu de la vente, mais également par des approches servicielles complètes rendant le modèle économique plus robuste. Par exemple, il y a quelques années Michelin a fait évoluer son offre pour les acteurs du transport de marchandises (camions) : il ne vend plus des pneus à l’unité, mais commercialise des km parcourus et un ensemble de services afférents (pneus éco-conçus, formation à l’écoconduite, durée de vie du pneu multipliée par 2,8). L’EFC amène ainsi souvent à l’éco-conception. Tout le monde y a intérêt car les bénéfices et les économies générées seront partagés entre le client et son fournisseur.

L’ÉCOCONCEPTION

C’est une méthodologie de réduction des impacts environnementaux négatifs à l’échelle de l’entreprise, sur tout le cycle de vie, dès la conception des produits et services. Grâce une analyse systémique de tous les intrants et du processus de fabrication (y compris extraction, transformation, logistique), l’entreprise peut identifier ses points noirs en termes d’externalités, et ensuite décider stratégiquement sur quels postes agir en priorité. Cette discipline appelle donc à la fois de la rigueur scientifique (méthodes et calculs d’analyse de cycle de vie) et de la créativité (capacité d’innovation et de mise en œuvre opérationnelle) pour trouver des solutions alternatives. Elle demande un travail en transversalité au sein des équipes, toutes les expertises et corps de métier étant nécessaires : achats, marketing, bureau d’étude technique, contrôle qualité, etc.  Exemple d’application : Litha Espresso, pour qui un travail d’éco-conception de la capsule de café a été réalisé, à travers une réflexion sur toute la chaîne de valeur impliquée, des matières premières jusqu’à la fin de vie. Le travail a été ensuite élargi à la machine, après mesure de l’impact d’une tasse de café.

DE NOMBREUX POINTS COMMUNS ET COMPLEMENTARITE AU SERVICE DE MODELES ECONOMIQUES CIRCULAIRES

Les trois grands principes d’action qui doivent être appliqués pour mettre en œuvre l’EIT, l’EFC comme l’écoconception sont :

  1. Repenser les choses - Cette solution est-elle sensée au regard de la situation actuelle (environnementale, sociale, financière) ?
  2. Se reconnecter – l’un à l’autre, avec son environnement et avec les besoins des bénéficiaires/ clients, etc.
  3. Agir – rapidement, efficacement et concrètement.

Ils peuvent donc être une formidable source de motivation et d’émulation.  

Mais ces trois approches ont également pour points communs et socle méthodologique : la coopération, la créativité et la mise en œuvre de l’intelligence collective.

Les trois concepts évoqués constituent ainsi des moyens efficaces pour amener les entreprises et les collectivités à réfléchir plus concrètement à leur impact environnemental et social, et à identifier comment agir pour le diminuer.

En effet, l'objectif principal et commun à ces trois approches est de réduire l'impact de l'activité humaine sur les écosystèmes, de rendre de nouveau compatible l’activité économique avec les limites planétaires (biodiversité, eau, ressources, climat). Ces piliers de l’économie circulaire présentent également d'autres bénéfices, tels que l'augmentation de l'efficacité, la création de communautés résilientes d’individus et d’entreprises ainsi que de modèles économiques plus robustes face à la conjoncture actuelle (et qui est là pour durer).

DE LA COOPERATION INTERDISCIPLINAIRE… A UN OUTIL CLE EN MAIN

Dans cette optique, la coopération des divers acteurs impliqués dans ces démarches, et leur accompagnement, semble aujourd’hui nécessaire. Il faut sortir de querelles de chapelles que l’on observe parfois pour des définitions, des champs d’intervention, des méthodes. Ce qui compte, après tout, ce sont les actes, et leurs impacts. L’évaluation est donc indispensable ! Au final, a-t-on réussi à améliorer certains indicateurs ?
C’est dans cet état d’esprit qu’est né en Occitanie, dès 2021, une coopération fructueuse entre les 3 réseaux thématiques : Occimore pour l’écoconception, Terre d’EFC pour l’économie de la fonctionnalité et Syn’Occ pour l’EIT. De cette collaboration est né un outil, sous l’impulsion de la Région et de l’ADEME Occitanie : Rose. Il s’agit d’un outil conçu pour aider les entreprises à s’orienter dans l’économie circulaire. Il rend tangibles les liens entre les défis quotidiens des entreprises et ces 3 piliers de l’économie circulaire, et propose des voies de réflexion pour s’orienter et faciliter l’engagement des entreprises vers une transformation durable, tant environnementale que sociale.

Il sera disponible pour toutes et tous courant 2024, sur un format numérique et sous licence Creative Commons. 

Caroline Valluis

gérante de Colibree (conseil et accompagnement transition écologique / économie circulaire)

https://www.colibree.net/

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Auteur de la page

caroline valluis

Consultante & formatrice en transition écologique

Modérateur

Christèle FIEROBE

Responsable du pôle Animation territoriale