Partie 2 - Construire des solutions alternatives en s’inspirant des démarches des acteurs de la région Auvergne-Rhône-Alpes (1/2)

2.1 Zoom sur trois acteurs d’économie circulaire de la région Auvergne-Rhône-Alpes

BATIRIM est une société créée en 2019, Joint-Venture de SUEZ (60%) et de Kairnial (40%), ayant pour vocation d’accélérer le développement de solutions innovantes et digitales dédiées à la rénovation et la déconstruction sélective des bâtiments au service de l’économie circulaire. BATIRIM s’appuie sur une démarche d’anticipation et de conseils pour répondre aux enjeux d’économie circulaire de ses clients en s’appuyant sur la digitalisation des processus métiers liés à la déconstruction et la réhabilitation, ceci dans le respect de la réglementation. En tant qu’organisme de formation certifié Qualiopi, BATIRIM a déjà formé une cinquantaine de diagnostiqueurs au diagnostic PEMD digitalisé dont l’APAVE, AC Environnement, Sodiatec, et Diagamter, tous présents en Auvergne-Rhône-Alpes. BATIRIM propose trois retours d’expérience de chantiers de dimensionnement différent :

1. Métropole du Grand Paris (Saint Denis – 93) de Mars 2020 à Février 2021 : Déconstruction d’un ancien site Engie (70 000 m², 38 bâtiments, 12 ha) au profit de la construction d’une piscine olympique et de logements. Les résultats de ce chantier en termes d’économie circulaire sont :

  • 435 T en réemploi/réutilisation, dont 2 bâtiments en bois (plus de 300 m²) et 80% de mobilier de bureau réemployé (soit approximativement 160 tonnes)
  • 94% de valorisation matière des déchets (supérieur à l’objectif réglementaire de 70%)
  • 50% de recyclage du second œuvre

Une réalisation exemplaire et collaborative, avec une forte volonté du maître d’ouvrage, des collectivités, du déconstructeur malgré un contexte difficile (COVID-19). Pour la première fois en France ont été réalisées et tracées plus de 400 tonnes de réemploi et de réutilisation de produits et d’équipements, dont 80% de mobilier de bureau réemployés.

2. NEXITY : Projet REIWA (Saint Ouen – 93) : Déconstruction du bâtiment Colisée 1 (15 000 m²) pour la construction du futur siège social de Nexity. Les résultats de ce chantier en termes d’économie circulaire sont :

  • 95% de valorisation matière des déchets (supérieur à l’objectif réglementaire de 70%)
  • 67% de réemploi/recyclage de produits, équipements, matériaux (supérieur à l’objectif réglementaire de 55%)
  • 14 flux triés à la source en mono-flux (supérieur à l’objectif des 7 flux réglementaires BTP+ DEEE)
  • Réemploi de 9000 m² de plancher technique, 3000 m² de moquette, vente/don de 2000 éléments.

Une opération exemplaire qui a permis de montrer qu’il est possible de réaliser 67% de réemploi et de recyclage du second œuvre sans délais ni coûts supplémentaires par rapport au budget initial.

3. NACARAT – Carré Constructeur – Loger Habitat (Lambersart – 59) : Déconstruction des bâtiments du groupe TDF (4500 m², 3 bâtiments). Les résultats de ce chantier en termes d’économie circulaire sont :

  • 91% de valorisation matière des déchets (supérieur à l’objectif réglementaire de 70%)
  • 42,4 %   de réemploi/recyclage de produits, équipements, matériaux (inférieur à l’objectif réglementaire de 55%)
  • 10 flux tri à la source en mono-flux (pour 7 flux réglementaires BTP+ DEEE)

Un cas intéressant avec la réalisation d’un diagnostic PEMD digitalisé au démarrage du projet et un suivi complet du chantier qui a permis de montrer que le tonnage estimé au moment du diagnostic PEMD était très proche de celui de fin de chantier (différence de 200 tonnes sur un total de 6000 tonnes).


Grenoble Alpes Métropole (GAM) est une métropole française de droit commun, située dans le département de l’Isère, constituée de 49 communes et organisée autour de la ville de Grenoble. Comme toutes les collectivités territoriales, GAM est appelée à montrer l’exemple en matière d’économie circulaire, sur son territoire et à différents niveaux : réduction des déchets et promotion du réemploi, exemplarité de la maîtrise d’ouvrage en matière d’aménagement urbain comme en matière de bâtiment, actions de sensibilisation et de communication à destination du grand public et des professionnels. GAM a aussi la capacité de fédérer des acteurs sur son territoire, notamment les maitres d’ouvrages publics, ce qu’elle a fait en 2020, en créant un groupe de travail qui rassemble notamment Grenoble Alpes Métropole, les communes infra, l’Etablissement Public Foncier Local (EPFL) du Dauphiné, les bailleurs sociaux, le CROUS, l’Université Grenoble Alpes, et la Société d’Aménagement Inovia-Sages afin de permettre une montée en compétences collective sur le réemploi et la valorisation des déchets de chantiers, la formation à la rédaction des clauses dans les Cahiers des Clauses Techniques Particulières (CCTP) et l’échange de bonnes pratiques sur les chantiers en cours et à réaliser. La fédération des acteurs s’est concrétisée par la création du réseau régional de matériauthèques MAT’AURA, animé depuis 2021 par la Chambre Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire (CRESS AURA), dont le but est de partager des outils et mailler l’ensemble du territoire Auvergne-Rhône-Alpes. 

Éco-exemplarité en matière d’aménagement urbain : opération Cadran solaire à La Tronche

Au niveau de l’aménagement urbain, GAM a engagé dès 2019, avec l’EPFL du Dauphiné, une démarche expérimentale sur l’opération Cadran solaire à La Tronche, près de Grenoble. Après plusieurs diagnostics-ressources, 4 des bâtiments existants ont été soigneusement démontés (déconstruction sélective) et de nombreux éléments ont été remis en vente directement sur place par Aplomb-Ecomat38 dans un magasin temporaire de chantier (la Batitec). Parallèlement, 8 autres bâtiments ont été déconstruits plus rapidement avec des moyens mécaniques plus puissants.

Les bilans montrent une valorisation matière de 99%, très supérieure à l’objectif initial de 85% qui était déjà plus élevé que l’obligation réglementaire (70%). D’autre part, le curage soigné a nécessité certes 70% de temps supplémentaire par rapport à une déconstruction rapide, mais le coût de gestion au m2 des déchets a été divisé par 10. L’économie financière globale a été estimée à 40% sur l’ensemble du projet d’aménagement, grâce au réemploi sur site de 54 tonnes de tuiles, 74 tonnes de bois, et de nombreuses pierres de taille. Sur le plan environnemental, le réemploi des tuiles et des charpentes représente à lui seul un bénéfice carbone de 148 tonnes en équivalent CO2.  Enfin, le chantier de déconstruction sélective a permis de créer 12 emplois à temps plein, et 6 emplois ont été maintenus à l’issue du chantier.

Grâce à une démarche d’évaluation rigoureuse, cette opération a mis en évidence des avantages décisifs du réemploi à plusieurs niveaux (économie, environnement, emploi, nuisances). L’opération a été lauréate d’un « Euro Cities Award » le 10 juin 2022 dans la catégorie « Lead Together » pour la mise en place de solutions à impact positif pour le climat, en intégrant l’économie circulaire à l’industrie de la construction.

Pour Grenoble Alpes Métropole et les acteurs publiques, le choix du réemploi n’est pas celui de la facilité. Il demande un travail parfois long d’apprentissage et d’acculturation auprès de différents services.  Des actions de sensibilisation, de coordination et de formation interne ont été nécessaires pour favoriser la transversalité. L’évaluation et la capitalisation des expériences ont permis de monter en compétence et de faire progresser les objectifs, qui deviennent de plus en plus ambitieux.

L’impulsion donnée par le haut, notamment par la MOU publique sur un territoire, pour un changement des pratiques, est déterminante. Mais il s’avère nécessaire que cette dynamique de changement de pratiques se diffuse rapidement à tous les acteurs de la chaine de valeur du chantier et notamment que les filières de réemploi des matériaux trouvent leur place et leur modèle économique dans ce nouvel écosystème de la construction.


Le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB), est une entreprise publique à caractère industriel et commercial (EPIC), au service de ses clients et de l’intérêt général. Il a pour ambition d’imaginer les bâtiments et la ville de demain en accompagnant et sécurisant les projets de construction et de rénovation durable, pour améliorer la qualité de vie de leurs usagers, en anticipant les effets du changement climatique. Afin d’aider les acteurs de la filière du bâtiment dans l’optimisation de leurs opérations de déconstruction sélective, le CSTB et l’association ORÉE ont publié en 2022 un guide pratique, intitulé « Secteur du bâtiment : comment mieux valoriser & déconstruire ? » (Voir section 3.2 de ce document). Le CSTB propose également d’aider les collectivités dans la mise en place de leurs stratégies d’économie circulaire, notamment via BTPFlux, un outil numérique qui analyse les flux de matières du secteur du bâtiment à l’échelle d’un territoire à partir d’une estimation précise du stock de composants des bâtiments existants et par l’application de scénarios de mutation du parc. BTPFlux se base sur deux autres outils développés par le CSTB : la Base de Données Nationale des Bâtiments (BDNB) qui concatène un grand nombre d’informations à l’échelle de chaque bâtiment de la France Métropolitaine et TyPy, un outil qui permet de modéliser un bâtiment à partir d’information limitée en utilisant une approche par macro-composant. Le CSTB, à la demande de la Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages (DHUP), est également en charge du développement de la future plateforme règlementaire associée au nouveau diagnostic Produits, Equipements, Matériaux, Déchets (PEMD).

Au niveau régional, le CSTB travaille depuis 2022 sur l’étude innovante régionale Renov’santé pour l’Observatoire Régional de la Santé Auvergne-Rhône-Alpes (ORS AURA). Cette étude multipartenariale regroupe l’ORS AURA, SOLIHA, les Compagnons Bâtisseurs Rhône-Alpes et Auvergne, le CSTB et la chaire HOPE et implique cinq départements de la région Auvergne-Rhône-Alpes : l’Ardèche, l’Isère, la Loire, le Puy-de-Dôme et la Savoie. Son objectif est d’analyser l’évolution de l’état de santé de personnes ayant bénéficié de travaux de rénovation au sein de leur logement. Elle concerne notamment des ménages bénéficiant d’opérations programmées d’amélioration de l’habitat. La contribution du CSTB au projet Rénov’ Santé s’articule autour de trois actions :

  • L’évaluation des gains associés à la meilleure santé des ménages habitant au sein de logements rénovés, notamment via des études portant sur l’évaluation de l’impact de la sortie de la précarité énergétique sur la santé des ménages au travers de l’évolution des frais de santé.
  • L’analyse coût-bénéfice des travaux énergétiques qui inclut la valorisation des externalités de la santé.
  • La généralisation de ces travaux à une échelle nationale.

Un premier rapport d’étape du projet Renov’santé sera réalisé en 2023 et le rapport final sera livré au début de l’année 2025. Le CSTB a également participé, dans le cadre d’un partenariat avec la métropole de Grenoble Alpes Métropole, à l’optimisation de la valorisation des déchets de déconstruction lors de l’opération cadran solaire à la Tronche (dont les résultats sont cités plus haut). Dans le cadre de ce projet, la mission du CSTB a consisté en :

  • La réalisation d’un diagnostic déchets, basé sur des audits de pré-démolition qui ont permis au CSTB d’accompagner GAM dans la valorisation des déchets en fin de vie.
  • La caractérisation des performances des matériaux issus de la valorisation des produits en vue de leur réemploi, notamment en proposant un cadre crédible via la validation avec tous les acteurs (assureurs, bureaux de contrôles, etc..) du domaine d’emploi envisagé.

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