Miser sur la fonctionnalité | «C» comme Coopération

Miser sur la fonctionnalité | «C» comme Coopération
Au cœur de la scène économique québécoise, une initiative pionnière émerge: le Programme d’accompagnement en économie de la fonctionnalité et de la coopération auprès des entreprises québécoises (EFC Québec). Pour l’une des expertes fondatrices de ce projet, Émilie Dupont, la coopération est un aspect central du concept de l’EFC.

EFC Québec accompagne une cohorte de vingt entreprises québécoises vers l’économie de la fonctionnalité et de la coopération, l’une des des douze stratégies de circularité les moins connues. Le projet pilote a vu le jour en 2021 grâce à l’implication de six expertes engagées à l’échelle locale. Parmi elles, Émilie Dupont, agit à titre de développeuse et facilitatrice en économie circulaire à la SADC du Kamouraska. «L’EFC est un modèle d’affaires qui repose sur la vente d’une performance d’usage, plutôt que sur la vente d’un bien ou service, souligne Émilie Dupont. Mais le c de coopération est essentiel.»

La coopération a également été le quotidien, la boussole de notre équipe projet formée, de Melissa Stoia de Synergie Montréal propulsé par PME Montréal, Pascale St-Germain de Comité 21 Québec, Philippe Lavallée du CLD de Brôme-Missisquoi, Felipe Soto remplacé par Juliette Fournier du CRE Capitale Nationale, avec la grande contribution de notre expert français associé, Paul Boulanger de Pikaia, l'équipe dédiée du CTTÉI et les experts sectoriels dont Charles Thibodeau et Martin Chadoin.

- Émilie Dupont

Pour l’experte, il existe deux façons de coopérer dans ce modèle. D’abord, lorsque le client et l’entreprise se rencontrent, ils co-créent l’offre ensemble. Puis, lorsque le produit ou le service est livré, ils coopèrent à nouveau pour assurer leur bonne utilisation. «Dans un modèle standardisé traditionnel, on fait un produit que l’on vend et on propose un service à la clientèle assez mineur, le produit comme tel, on ne le change pas, rappelle-t-elle. Il faut sortir de cette logique.»

Cette stratégie permet ainsi «d’éviter la surconsommation de ressources, de promouvoir l’expertise et la valeur des services et de combattre l’obsolescence programmée par la production de biens durables et réparables.» De quoi changer profondément les perspectives et le modèle économique jusqu’ici dominant. «Quand on ne cherche pas à vendre le plus d’unités possibles, les décisions ne sont plus les mêmes, par exemple dans le choix des matériaux», poursuit Émilie Dupont.

Un enjeu social

 L’EFC répond ainsi à un enjeu environnemental, mais également social, illustré par l’exemple de l’entreprise française Michelin, qui intègre tous les éléments. «C’est une performance d’usage du pneu, avec un service facturé au kilomètre, et le client n’est pas propriétaire, donc il ne s’occupe pas de l’entretien», explique Émilie Dupont. En revanche, il doit s’assurer de bien conduire pour ne pas abîmer le produit: il suit des formations d’écoconduite, il est impliqué dans la démarche. «Tout le monde y gagne parce que le client adopte des mesures qui le font consommer moins de carburant et le pneu dure plus longtemps», ajoute-t-elle.

Cette nouvelle relation de coopération change complètement la donne et est créatrice de sens, pour les entreprises qui retiennent mieux leur main-d'œuvre. «Dans l’exemple de Michelin, ils n’existent plus seulement pour fabriquer un pneu, mais contribuent désormais à la mobilité», affirme Émilie Dupont.

Transformer un modèle d’affaire prend toutefois du temps. Les entreprises membres du programme d’EFC Québec ont accepté de réviser le leur. En fonction des impacts et des types de structures, elles ont choisi des axes précis sur lesquels travailler pour bifurquer vers l’EFC, comme la création de valeur et la coopération. Les entreprises ont suivi des demi-journées de formation à distance, pour changer le regard sur le modèle d’affaire actuel et intégrer le concept de l’EFC. Entre chaque module, les conseillers les accompagnaient individuellement et en groupe, sur le terrain. 

De notre côté, il y avait plusieurs objectifs ambitieux, soit monter en compétence, former des conseillers qui vont être capables d’accompagner des entreprises, développer des outils québécois ainsi qu’une communauté à travers laquelle on échange des bonnes pratiques.

 

- Émilie Dupont

 

Alors que s’achève l’expérience, un premier bilan est de mise.  «Cela nous a conforté dans l’idée que l’EFC est véritablement un modèle d’avenir, constate Émilie Dupont. Les entreprises souhaitent continuer sur cette trajectoire, mais ça se fera sûrement dans une forme différente.» 

 

EN SAVOIR PLUS SUR L'EFC

 

Reconnaissance

Coordonné par le Centre de transfert technologique en écologie industrielle (CTTÉI), le programme bénéficie d’une aide financière du gouvernement du Québec tirée du programme Action-Climat Québec et rejoint les objectifs du Plan pour une économie verte 2030. Émilie Dupont rappelle l’importance du financement pour accompagner les entreprises dans la transition vers l’EFC. «On a besoin de cas-modèles vitrines, pour que les exemples de réussites deviennent visibles, concrets et donnent envie à d’autres d’embarquer», croit-elle.

Émilie Dupont imagine, pour la suite, d’innombrables possibilités avec l’EFC. Les services d’aide à domicile, par exemple, sont très utiles en milieu rural, là où la famille est éloignée. «Souvent, on voit ça comme un service de ménage, mais la présence et le travail de ces personnes a bien plus de valeur, elles brisent l’isolement, illustre-t-elle. Le modèle de l’EFC est très intéressant pour ce type d’entreprise d’économie sociale.»

Émilie Dupont et l’économie circulaire 

«J’aime ce qui est complexe et systémique, lance-t-elle, interrogée sur ce qui l’a poussée à s’intéresser à l’économie circulaire et à l’EFC. On doit bosser sur la valorisation des déchets, des sous-produits, faire du recyclage, bref, toutes les autres stratégies de l’économie circulaire. Mais il faut aussi concevoir et produire différemment, donc avoir des modèles d’affaire différents.»
 
Optimiste quant à la perspective que ces modèles deviendront davantage présents dans les années à venir, elle estime toutefois que la sobriété est boudée, de manière générale. «C’est ce que dit le GIEC : on ne peut pas juste faire différemment, il faut aussi faire moins pour respecter les limites planétaires, ajoute-t-elle. L’électrification à outrance: c’est extraire plus de matières premières pour créer des batteries.» Émilie Dupont est claire, il est fondamental de changer de paradigme. Pour cela, il faut consommer moins. Point. 

La collaboration entre le CERIEC et le CIRIDD au service de l'EFC est soutenue par le ministère des Relations internationales et de la Francophonie du Québec et le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères de la République française, dans le cadre de la Commission permanente de coopération franco-québécoise.

 

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Auteur de la page

Pascaline David

Modérateur

Emilie Chiasson

Conseillère en communication - Économie circulaire