[Regards croisés] Dynamiques d’acteurs : quels enseignements pour l’économie circulaire ?

[Regards croisés] Dynamiques d’acteurs : quels enseignements pour l’économie circulaire ?

Les projets d’économie circulaire s’inscrivent dans un processus long appelant des relations très étroites, continues, multilatérales et pérennes entre les acteurs et les structures. Ils conduisent ainsi à s’interroger sur la mise en dynamique collective de ces acteurs.

> TÉMOIGNAGE DE XAVIER ROY, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE FRANCE CLUSTERS

À partir de son expérience et de son observation de terrain, Xavier Roy nous propose de mettre en relief des facteurs de réussite de la mise en dynamique d’acteurs… De véritables enseignements faisant écho aux démarches d’économie circulaire.

«La vocation de France Clusters est d’encourager des coopérations inter- entreprises et de professionnaliser la fonction de manager de réseaux.»

«Structures d’intermédiation, les clusters sont des organismes vivants en perpétuelle évolution.»

Comment les structures d’intermédiation enclenchent une dynamique d’acteurs ?

Le point de départ est l’expression individuelle d’entreprises ou d’autres acteurs tels qu’une université, un laboratoire, autour d’un besoin.

Pour que la dynamique prenne, cette expression doit être relayée immédiatement par l’intelligence d’une structure (une collectivité, une chambre consulaire, un cluster…) qui est à l’écoute des besoins individuels et qui va conduire la construction d’une réponse collective

Pour les clusters, l’écoute des besoins s’appuie sur un diagnostic individuel de chaque entreprise membre du cluster. Restituée auprès de tous les membres, la synthèse du diagnostic les incite à partager les forces et faiblesses du collectif et du territoire, les motivations et les arguments qui les rassemblent et la construction de projets coopératifs.

Quels sont les facteurs clés d’une dynamique d’acteurs réussie ?

Ce sont avant tout des compétences.

La qualité d’écoute des besoins individuels associée à la faculté à imaginer une réponse collective est la première compétence requise.

Une animation neutre et légitime est toute aussi essentielle. La question de la légitimité est abordée dans le diagnostic. Il arrive que la structure qui initie le diagnostic et qui insuffle la dynamique au début n’est pas considérée comme légitime aux yeux des parties prenantes pour animer la suite de l’action. Cela suppose d’accepter la remise en cause de sa légitimité et d’être en capacité de parfois «passer le relai» ou de s’appuyer sur les bons acteurs pour animer telle ou telle action.

Une forte propension à l’adaptation et à l’évolution est également requise car un cluster est avant tout un organisme vivant qui évolue dans le temps et sur toutes ses composantes.

Sur le plan géographique, la dynamique d’acteurs naît souvent à l’échelle d’un bassin d’emploi. Au fil du temps, le réseau s’étend car ce sont les projets qui guident la coopération. La recherche du bon partenariat prime alors, et les membres associent des activités complémentaires pour innover, produire mieux, produire plus.

Cela suppose d’avoir une capacité d’agilité toute particulière.

Une trop forte structuration n’est pas forcément la bonne approche car elle risque de freiner l’évolution de la dynamique et du projet.

S’ajoute aussi la capacité à rebondir. Les premières actions sont conduites à court terme, avec des réalisations concrètes et visibles (opération de communication, achats mutualisés, etc.). L’idée est d’en tirer des enseignements et de monter cran par cran vers une approche stratégique, au fur et à mesure de la confiance gagnée entre les acteurs et des habitudes de coopération. Commencer d’emblée par des réflexions stratégiques permet moins facilement de créer du liant entre les acteurs, surtout quand ils s’estiment concurrents de prime abord.

Comment consolider et pérenniser une dynamique d’acteurs ?

C’est la mise en place d’une gouvernance, portée par les acteurs bénéficiaires, qui consolide la dynamique. Elle est souvent structurée autour d’une association (le cluster) qui va se doter d’un budget, d’une équipe d’animation, etc. en GIE, en SAS, en SCIC.

Au-delà de ces aspects organisationnels, la dynamique collective économique est pérenne à partir du moment où sa stratégie concorde avec la stratégie territoriale d’innovation. Le rapport au territoire est essentiel pour voir loin.

Dans tous les cas, ces dynamiques sont des histoires de relations humaines et sont donc par nature très fragiles, d’où l’importance de la relation de confiance et des valeurs partagées.

> TÉMOIGNAGE DE JEAN-FRANÇOIS CARON, MAIRE DE LOOS-EN-GOHELLE

Il y a quelques années, après l’arrêt de l’activité minière, les perspectives de la ville paraissent limitées. «Hier, c’est hier, reconnaissons l’histoire passée mais tournons la page et réinventons le futur», propose Jean-François Caron. C’est ainsi qu’une nouvelle histoire commence. Les acteurs du territoire sont invités à réfléchir collectivement à « Quelle ville souhaite- t-on pour demain ? » et à participer à la construction du projet de ville. Le diagnostic partagé conduit à s’interroger sur quelle stratégie déployer pour corriger des problèmes d’eau polluée, de facture énergétique élevée du fait d’habitats mal isolés, de paysages abîmés par les activités du passé, etc. La démarche territoriale de développement durable de Loos-en-Gohelle est lancée.

Quelles sont les clés de la mise en dynamique d’acteurs autour de votre politique de développement durable ?

La politique de développement durable de Loos-en-Gohelle a consisté à remettre en perspective le territoire à long terme, décliner un plan d’actions tout en impliquant activement les acteurs du territoire et à développer une stratégie systémique croisant simultanément les préoccupations sociales, économiques et environnementales. C’est le point de départ.

S’y ajoute l’animation, notamment politique via une approche fondée sur l’écoute, l’empathie.

Créer la confiance est primordiale. S’instaurant dans la durée, elle donne une capacité à prendre des initiatives, et donc des risques. Elle se gagne auprès des acteurs mobilisés par le respect des engagements, l’action (qui est centrale), le suivi des faits, la cohérence y compris dans l’attitude, le respect.

Comment consolider et pérenniser une dynamique d’acteurs ?

Le facteur clé est le résultat.

La candidature du bassin minier au patrimoine de l’UNESCO a fait l’objet de beaucoup de scepticisme en dehors de Loos-en-Gohelle, alors que localement, elle a été considérée très positivement comme un chalenge de plus. Cela est lié aux résultats des défis relevés les années précédentes. Par exemple, la ville a été la première en France à lancer des opérations d’écoconstruction qui lui ont valu d’emblée une reconnaissance par les acteurs du territoire.

Lorsque, dix ans plus tard, l’inscription au patrimoine de l’UNESCO a été effective, le collectif a autorisé d’autres défis, pouvant être de plus en plus ambitieux.

L’image est également un élément de consolidation. Aujourd’hui, les acteurs économiques s’intéressent à la ville. Les gens ont envie de faire partie de l’aventure. Nous sommes régulièrement sollicités par des porteurs de projets qui veulent s’installer sur le territoire.

«LA LIBÉRATION DE L’ÉNERGIE COLLECTIVE VIENT DU CLIMAT DE CONFIANCE QUE L’ON AURA INSTAURÉ.»

Quelles sont, selon vous, les particularités de la dynamique d’acteurs appliquée à l’économie circulaire ?

Regarder comment le modèle de développement peut être créateur de biens communs est tout l’enjeu des démarches de développement durable aujourd’hui. Les projets d’économie circulaire sont porteurs de biens communs. Cette nouvelle approche de l’économie par la connexion de l’offre et de la demande en local, intégrant les enjeux de biens communs, conduit à faire converger des intérêts individuels. Aussi, l’action collective porte sur l’agencement d’acteurs (toutes les parties prenantes) et autorise la massification.

Par exemple, pour un projet d’agriculture bio de proximité, les résistances vont porter sur la viabilité économique des exploitations agricoles, les coûts élevés et les difficultés organisationnelles pour les cantines scolaires, etc. En revanche, si on l’associe à une massification de la commande publique des repas des cantines scolaires des 36 communes de l’intercommunalité dont fait partie Loos-en-Gohelle, cela crée un véritable marché pour les agriculteurs, très compétitif pour les collectivités.

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Crédits photos : 

©France Clusters - Réunion du groupe de travail des clusters de l’agro-alimentaire organisée dans le cadre des actions d’animation de France Clusters

©Ville de Loos en-Gohelle dont 2e Fête de l'agriculture paysanne
et du mieux-vivre alimentaire à Loos-en-Gohelle

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Source : ECLAIRA - Le Bulletin Numéro  N°7 / Juin 2017

Bulletin édité par CIRIDD - soutenu par la Région Auvergne - Rhône-Alpes

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Auteur de la page

Rédaction ECLAIRA

Modérateur

Vincent Jay

Chef de projets