[Focus filature] Fibres techniques recyclées et recyclables, vers une industrie performante et plus vertueuse

[Focus filature] Fibres techniques recyclées et recyclables, vers une industrie performante et plus vertueuse

Ain Fibres est une entreprise spécialisée dans le filage à chaud de fibres textiles, c’est-à-dire qu’elle fabrique des fibres synthétiques par extrusion* à partir de granules de plastique. La société a été créée en 2015, alors que son fondateur, Becher Al Awa, a exercé cette activité pendant 30 ans en Syrie. Sa formation de technicien en matière plastique facilite le lien avec les préparateurs des matières qu’Ain Fibres utilise.

 

Les projets d’innovation sont nombreux au sein de l’entreprise pour laquelle la R&D a été un moyen de de positionner sur de nouveaux marchés lors de son installation en France. Ces projets nécessitent souvent des collaborations et réunissent des partenaires variés autour d’Ain Fibres. Les fibres développées sont destinées aux textiles techniques utilisés 
dans les domaines du sport, du médical ou encore de la construction. L’entreprise travaille sur la fonctionnalisation des fibres afin de leur donner des propriétés particulières : anti bactériennes, thermodynamiques...

Penser la fin de vie dès la création de la matière

Les filateurs se trouvent au début d’une longue chaîne de production. À cette étape se concentrent plusieurs enjeux pour réduire l’impact de l’industrie textile, reconnue comme très polluante.
Une problématique majeure pour la filière textile est l’impossibilité de recycler de nombreux textiles qui sont alors incinérés, enfouis ou se retrouvent dans la nature. En cause : le mélange des matières, impossibles à séparer et à recycler. La solution est d’éco-concevoir les fibres et de tendre vers l’utilisation de mono-matières concentrant plusieurs propriétés. C’est pourquoi la fonctionnalisation et l’éco-conception des fibres sont le fer de lance d’Ain Fibres.

La solution est  d'éco-concevoir  les fibres et de tendre vers l'utilisation  de mono-matières.

En outre, l’entreprise ne choisit que des matières recyclables et mène une réflexion avec des partenaires tricoteurs sur l’inscription de la composition des produits directement dans la maille plutôt que sur les étiquettes afin de faciliter le tri des produits en fin de vie. Ain Fibres encourage également les producteurs de mailles (secteur de l’habillement) à s’orienter sur des produits pérennes : les habits sont souvent jetés trop rapidement !

« Le recyclage doit être considéré comme le futur gisement de l’industrie »

Ain Fibres a créé une fibre en PET recyclé composée de 75 % de déchets ménagers collectés par SUEZ et de 25 % de déchets récupérés sur les plages par TerraCycle. À partir de cette fibre, les Tissages de Charlieu ont tissé une natte de plage 100 % recyclable distribuée aux chefs d’État et journalistes du G7 de Biarritz en 2019. Ce projet collaboratif souhaitait attirer l’attention politique sur le recyclage textile. En effet, malgré le volontarisme d’entreprises sensibilisées pour changer leurs pratiques, des décisions politiques orientant l’industrie sont nécessaires.

Au-delà de cette action symbolique, Ain Fibres est financé dans le cadre du dispositif INNOV’R** pour développer une fibre recyclée. D’autres pistes sont également envisagées comme le recyclage de vêtements en polyester ou encore de collants polyamides collectés dans les grandes enseignes.

Les complexités techniques du recyclage à échelle industrielle

De plus en plus d’entreprises s’intéressent au recyclage, notamment en raison des quotas définis par la loi pour intégrer du plastique recyclé dans la composition de certains produits. On peut en effet imaginer que ces derniers s’étendront bientôt au textile. Il n’est cependant pas si facile d’utiliser de la matière recyclée. Par exemple, les bouteilles en plastique sont d’épaisseurs différentes selon les marques, elles sont mélangées aléatoirement lors du recyclage. De ce fait, la viscosité de la matière obtenue est changeante. Lors de la fabrication de filaments, cette fluctuation nécessite de paramétrer à nouveau les machines, entraînant une perte de temps et des déchets de production. 


Ain Fibres traite la matière en masse. Autrement dit, les additifs qui donnent ses propriétés au textile ainsi que les teintures sont intégrés avant l’extrusion du fil. Ce procédé a l’avantage de ne pas utiliser d’eau et d’être efficient mais la matière doit être uniforme pour appliquer les bons dosages. 


Il est donc essentiel de développer des solutions, notamment chimiques, afin d’obtenir des matières recyclées de qualité à partir de déchets qui n’ont pas pu être triés finement. Le défi est d’uniformiser la matière recyclée et de retrouver la même souplesse d’utilisation qu’avec de la matière première. 
Par ailleurs, d’autres problématiques risquent d’apparaître. Le recyclage effaçant la traçabilité de la matière, des mélanges dont on ne connaît pas les conséquences s’opèrent (apparition de produits toxiques…). Ain Fibres se place dans une posture d’anticipation pour éviter ces difficultés.

Développer l’entreprise et créer des solutions reproductibles

Il est important de développer des solutions que les PME puissent s’approprier. Écarter les petites entreprises reviendrait à briser la chaîne de l’économie circulaire. Ain Fibres s’attache à déployer des solutions à l’échelle régionale. L’objectif est de pouvoir ensuite les dupliquer dans d’autres régions, avec des entreprises locales. Les financements, nationaux ou régionaux, représentent un précieux soutien pour les démarches d’innovation. Néanmoins, il est parfois difficile d’accorder la temporalité de la gestion d’une petite entreprise et celle du montage et du traitement des dossiers de financement. 

En raison de l’engouement pour les produits recyclés (85 % des demandes clients), Ain Fibres affirme de plus en plus son positionnement sur ce marché qui permet de valoriser de la matière tout en créant des produits pérennes et des emplois. L’entreprise compte aujourd’hui 4 salariés et souhaite en employer à court terme entre 12 à 14, puis 30 d’ici 2 à 3 ans.

*La matière est forcée à travers un outil afin de former des filaments continus.

**http://eco-innover.rhonealpes.fr/ InnovR/


Source : ECLAIRA - Le Bulletin N°16 / avril 2020

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Crédits photo : Ain Fibre - Pixabay

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Vincent Jay

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