Focus entreprise : Serge Ferrari, de l’analyse du cycle de vie à l’économie circulaire

Focus entreprise : Serge Ferrari, de l’analyse du cycle de vie à l’économie circulaire

Située dans le secteur très concurrentiel du textile et des composites, l’entreprise Serge Ferrari a su déployer au fil des années, une singularité forte aussi bien en interne que dans sa relation clients. Cette différenciation lui a permis de maintenir et de concentrer ses activités de production en Europe. Elle l’a conduit à considérer sa responsabilité sociale et environnementale et développer des activités d’économie circulaire.

Du textile au matériau composite

Créée dans les années 70, l’entreprise Serge Ferrari fabriquait initialement des textiles enduits. Très vite, l’entreprise cherche à se diversifier et s’oriente vers la production de textiles techniques, puis de matériaux composites. Avec 650 salariés et 150 millions de chiffre d’affaires, elle fonctionne en B to B.

La première marche a permis de développer des procédés matériaux uniques brevetés, intégrant la conception, le design et la fabrication des équipements. Les opérateurs de production sont associés à la conception de leurs outils. Cette démarche très participative change complètement l’état d’esprit dans l’entreprise. La deuxième marche a consisté à innover en impliquant le client et imaginer avec lui des applications finales futures (B to C). Dans les années 90, vient la troisième marche où l’entreprise Ferrari se préoccupe de sa performance sociétale et environnementale, considérée comme un gage réel de différenciation et d’innovation. C’est une étape charnière car l’entreprise réalise qu’elle n’a pas d’autre choix que d’être engagée, si elle veut s’investir dans ce champ. Ainsi, l’analyse du cycle de vie des produits est la première action mise en oeuvre.


De l’Analyse du Cycle de Vie au développement d’une activité de recyclage très singulière


L’analyse du cycle de vie (ACV) a montré que l’extraction des ressources non renouvelables issues de la pétrochimie concentrent a minima 70% des impacts environnementaux.

Ceux liés au process et au fonctionnement de l’entreprise représentent seulement 5%. Depuis, l’entreprise est certifiée Iso 14001. Pour la ressource, l’entreprise a bâti une double stratégie :

1› L’allègement des produits en concevant des applications légères en matière d’intrants, avec moins de matériaux

2 › Le recyclage qui permet de réduire globalement la consommation de matières premières.
Aussi, l’entreprise Ferrari a développé un procédé spécifique pour le recyclage de matériaux composites. Elle a déposé le brevet en 1997 avec le groupe Solvay puis a industrialisé ce procédé jusqu’en 2008 en créant sa propre activité de recyclage de matériaux composites. C’est une première dans ce secteur.

L’ACV est intégrée dans le design et la conception des produits Serge Ferrari.

Cette méthode montre l’intérêt des matières recyclées par rapport aux matières vierges : une division par 10 des impacts sur quasiment tous les indicateurs. Pour obtenir des matières recyclées de première qualité, un tri très exigeant est réalisé en amont pour éviter toute contamination par d’autres matériaux dans le processus de recyclage.

L’entreprise Ferrari a pu décliner de nouvelles applications avec des produits recyclés à faible impact notamment pour la fabrication de toiture végétalisée, de tuyaux de jardin, etc. .

Cette activité de recyclage est particulièrement génératrice d’emplois : 22 postes sont nécessaires pour le recyclage de 10 000 tonnes de matériaux composites au lieu d’un seul pour l’enfouissement d’un tonnage équivalent.

Elle représente un investissement lourd pour l’entreprise (15 millions d’euros) et ne se révèle pas encore rentable à ce jour. Toutefois, l’entreprise en dégage plusieurs bénéfices à la fois directs et indirects :

› Dans le cadre des marchés institutionnels (appel d’offres pour les Jeux Olympiques, pour de grands évènements culturels, etc.), les clauses environnementales sont déterminantes et ce sont les produits Serge Ferrari qui sont souvent prescrits

› Les partenaires financiers ne se contentent plus uniquement des seuls rapports de Responsabilité Sociétale des Entreprises. Ils se méfient des vagues allégations et des défauts d’anticipation sur les préoccupations émergentes et s’assurent de la renommée des entreprises à long terme. Aussi, ils s’intéressent aux entreprises qui investissent réellement pour comprendre, anticiper les futures exigences en s’appuyant sur des ACV, des études toxicologiques, etc. et qui développent ensuite concrètement des produits à faible impact environnemental et sanitaire.

Romain Ferrari, directeur général de l’entreprise Ferrari :

Quels enseignements pouvez-vous tirer de cette activité de recyclage ?

« Si l’on décide de mettre en oeuvre une telle activité, il faut le faire bien, mesurer et corriger constamment. Il faut s’entourer de compétences, de réseaux. Solvay a accepté de travailler avec nous et a partagé nos valeurs. Aujourd’hui, notre plus gros challenge n’est plus technologique mais économique. Cette activité de recyclage doit être à l’équilibre d’ici trois ans maximum. Aujourd’hui, il n’est pas normal qu’un produit fini contenant du recyclé coûte plus cher qu’un produit non recyclé. L’activité de recyclage génère, certes, des pertes opérationnelles mais si l’on ajoute les bénéfices directs et intangibles, un groupe comme Ferrari ne reviendrait certainement pas en arrière.»


Pour en savoir plus :http://www.sergeferrari.com/

D’un engagement industriel à un engagement macro-économique très personnel : la Fondation 2019

Créée par Romain Ferrari, sous l’égide de la Fondation de France, la Fondation 2019 a pour objet d’introduire des instruments de régulation, pour corriger les défaillances d’un marché qui n’intègre pas les externalités.

Elle est née de plusieurs constats : › Les produits à haute performance environnementale ne sont pas souvent rentables car plus chers à produire
› Les externalités ne sont pas comptabilisées dans les produits à fort impact environnemental. Ces coûts « cachés » finissent toujours par augmenter les dépenses publiques (pollutions diverses, épuisement des ressources, etc.)
› Les consommateurs, y compris les alter consommateurs, sont de moins en moins enclins à payer plus cher un produit à haute performance environnementale. Aussi, la fondation propose une TVA circulaire. L’idée est par exemple d’appliquer une TVA réduite pour les produits finis contenant du recyclé, de façon à ce que les critères de choix des consommateurs soient impactés par un « signal prix » favorable aux produits vertueux. À ce jour, les pouvoirs publics restent à convaincre. Si dans une vision à court terme, la baisse de TVA représente une dépense fiscale, le développement de ces nouveaux modes de production-consommation permettrait rapidement de diminuer les coûts publics liés à la pollution et à la raréfaction des ressources. 
Actuellement, la fondation discute, avec les représentants des autorités publiques, de la possibilité de tester la TVA circulaire sur deux ou trois secteurs d’activité.

La Fondation 2019 soutient sous forme de mécénat ces travaux de recherche et ces expérimentations. Elle est financée principalement par Romain Ferrari à titre personnel.


Pour en savoir plus : http://www.fondation-2019.fr/

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Source : ECLAIRA - Le Bulletin Numéro 4 / Septembre 2016
édité par CIRIDD - soutenu par la Région Auvergne - Rhône-Alpes

Crédit illustrations : Serge Ferrari DR

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Auteur de la page

Rédaction ECLAIRA

Modérateur

Nicolas Frango

Animateur club CLEF & chargé de missions CIRIDD