[Focus] Déployer la réparabilité à l’échelle mondiale : l’exemple du Groupe SEB

[Focus] Déployer la réparabilité à l’échelle mondiale : l’exemple du Groupe SEB

L’allongement de la durée d’usage des produits via la réparation permet de diminuer la consommation de ressources et d’éviter la création de déchets dans un contexte où le changement des modes de consommation et de production est un enjeu majeur. Le secteur de la réparation est en outre porteur d’emplois locaux peu délocalisables en raison du besoin de proximité avec les consommateurs.

C’est dans cette voie que le Groupe SEB s’est engagé depuis 2008 en développant progressivement la réparabilité de ses appareils d’abord en France, puis en Europe et maintenant à l’échelle mondiale. L’arrivée à maturité de cette démarche a été marquée par l’apparition en 2016 du logo « Produit réparable 10 ans ». Ce dernier garantit la disponibilité des pièces détachées permettant de réparer l’appareil jusqu’à dix ans après l’arrêt de sa production.

Réorganiser son activité pour développer la réparabilité à grande échelle en lien avec les acteurs locaux

Engager la transition vers l’économie circulaire et vers une politique de réparabilité à grande échelle a demandé au Groupe des investissements et réorganisations qui ont pris une dizaine d’années.

En premier lieu, il a fallu repenser la conception des produits afin de les rendre facilement démontables et réparables (pour cela, les pièces détachées doivent pouvoir être isolées les unes des autres). Un travail important a donc été mené sur les cahiers des charges et de la part des développeurs et concepteurs.

La disponibilité rapide des pièces représente une deuxième condition essentielle pour rendre la réparation attractive. En Europe, elle est assurée par un centre logistique situé en Franche-Comté où sont stockées plus de 40 000 références de pièces détachées. Ce site est capable de fournir le réseau européen dans un délai de 24 à 48 heures. Dans l’optique d’améliorer la disponibilité des pièces et de réduire les besoins de stockage, le Groupe SEB a l’ambition de généraliser l’usage d’imprimantes 3D. Ce procédé, qui s’avère particulièrement utile pour les pièces les plus rarement demandées, est pour l’instant testé sur 10 références mais sera étendu à 300 pièces d’ici deux ans.

Troisièmement, la généralisation de la réparation des produits nécessite de faire évoluer les services consommateurs. La démarche du Groupe SEB s’appuie sur le déploiement d’un réseau de professionnels agréés et formés dans des cursus mobilisant des techniciens du Groupe. Le réseau compte actuellement 6 500 réparateurs indépendants au total  dont 220 en France. À l’avenir, un engagement plus massif des industriels dans des démarches de réparabilité permettra de fortifier ce réseau.

D’autres formes d’assistance et de dépannage sont développées par le Groupe dans le but d’allonger la durée de vie des appareils. Les ateliers d’autoréparation gérés par des réparateurs agréés se multiplient, ils permettent au consommateur de réparer lui-même son petit électroménager et ainsi de réduire le coût de la réparation. En addition, des tutoriels de maintenance en ligne ont été créés pour guider l’entretien des produits et prévenir des pannes courantes faciles à éviter. Diverses solutions sont imaginables pour faciliter la réparation, en Inde une application pour smartphone a été créée et les consommateurs peuvent avoir accès à un service de dépannage à domicile.

Quels leviers activer pour un changement d’échelle ?

La mise en place d’une démarche de réparabilité à l’échelle mondiale demande de s’intéresser aux habitudes de consommation. Dans certains pays la réparation est ancrée dans la culture, est moins chère et le nombre de réparateurs est donc plus élevé. En France, où la démarche a débuté, la réparation a perdu beaucoup de terrain dans les années 19902000. Le réflexe de jeter pour racheter a pris le dessus et de nombreux réparateurs ont donc fermé. La tendance semble s’inverser à nouveau sous l’effet du rejet de l’obsolescence programmée et d’une prise de conscience par le grand public des impacts du mode de consommation linéaire. Des études montrent effectivement que les consommateurs ont une véritable appétence pour la réparation.

Pour autant, la communication et la sensibilisation restent indispensables  car le public n’est pas encore suffisamment informé sur la filière de la réparation.  En 2016, le Groupe SEB a fait partie  des sponsors du « Repair Truck » d’Envie* qui s’est déplacé dans plusieurs villes de France dans le but de sensibiliser et d’initier le public à la réparation. Prochainement, c’est auprès de certains acteurs de la grande distribution que le Groupe SEB lancera une opération de communication à destination des consommateurs sur la réparabilité.

Malgré l’évolution des modes de consommation, l’argument économique demeure primordial : un tel projet doit représenter un intérêt commercial et un intérêt pour les consommateurs. Selon l’ADEME**, la réparation n’est favorisée que lorsqu’elle ne dépasse pas 30 à 50 % du prix du produit neuf. Dans un contexte où ce dernier tend à baisser, les consommateurs hésitent souvent à faire réparer un appareil surtout lorsque la garantie est dépassée.

Dans le cas du Groupe SEB, la baisse du prix des pièces détachées de 30 à 40 % a permis de rendre la réparation plus compétitive. Cela a provoqué une augmentation du taux de réparation hors garantie de 25 %. Le coût horaire des réparateurs influence aussi l’intérêt à faire réparer ses appareils. Dans les pays où il est élevé, des incitations fiscales telles que la baisse de la TVA sur la main d’œuvre et les pièces ou des crédits d’impôts pourraient doper la réparation en la rendant plus compétitive. La Suède a récemment choisi cette voie. SEB et d’autres organisations (des ONG notamment) militent actuellement auprès des pouvoirs publics français pour qu’ils instaurent également ce type de mesures fiscales.

La réparabilité des produits est souvent considérée comme un coût par les industriels. Au contraire, la démarche du Groupe SEB s’avère payante puisqu’elle est devenue un argument de vente.  Il a fallu pour cela engager une démarche d’entreprise mobilisant les différents services et notamment les services commerciaux et marketing.

Enfin, comme évoqué précédemment, la réglementation a un rôle important à jouer dans le renforcement de la filière de la réparation. En France, la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation oblige les vendeurs à afficher la date limite de disponibilité des pièces détachées communiquée par le fabricant. Ce dernier est de plus tenu de fournir les pièces détachées aux vendeurs ou réparateurs dans un délai maximum de deux mois. Cette obligation est cependant parfois contournée, certaines sociétés préférant par exemple remplacer les produits défectueux plutôt que de s’engager dans la mise à disponibilité des pièces.   

* Réseau national de structures d’insertion consacrées à la réparation et revente d’équipement électriques et électroniques.

**ADEME, « Réemploi, réparation et réutilisation », synthèse, juillet 2015

Consultez la présentation de l'initiative de SEB sur Eclaira


Source : ECLAIRA - Le Bulletin Numéro  N°8 / Octobre 2017

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Rédaction ECLAIRA